mercredi 4 décembre 2013

Tribune de CSE : Quelle réforme fiscale pour la France ?


CSEFigaro281113-KEYTribune de Christian Saint-Etienne – Le Figaro – 28/11/2013
Comment imaginer une réforme fiscale conduisant à une fiscalité à la fois juste et efficace dans le cadre d’un nouveau pacte productif et social ?
Comme le montrent la théorie fiscale et l’expérience, l’impôt le moins nocif sur le plan économique tout en étant politiquement acceptable est l’impôt proportionnel. L’impôt proportionnel au revenu doit être complété par un impôt progressif dont le but sera d’assurer une redistribution permettant de contenir les écarts de revenu et de patrimoine entre citoyens. Pour apprécier l’équité d’un système fiscal, il faut également prendre en compte l’utilisation des fonds publics. C’est ainsi qu’un impôt proportionnel sur tous les revenus, qui financerait notamment les besoins des plus démunis, serait, de par l’usage de la ressource fiscale, très progressif. Compte tenu des développements précédents et de la structure fiscale qui en découle, pourquoi faut-il rejeter la fusion parfois proposée entre la CSG et l’IPR ? Parce qu’elle prétend rendre la CSG progressive dès sa perception, alors qu’elle est déjà très progressive si l’on intègre la dépense financée par la CSG.
On privilégiera donc les impôts proportionnels à large base et faible taux et on limitera l’impôt progressif sur le revenu (IPR) à trois tranches (0 % jusqu’à un niveau de 7 500 euros par part imposable, 15 % de 7 500 à 60 000 euros par part, et 35 % au-delà). Avec une CSG-CRDS fusionnée qui porterait sur la totalité des revenus au taux de 12 %, tout en étant totalement déductible de l’IPR, le taux marginal d’imposition pour le seul IPR sur un revenu supérieur à 60 000 euros par part serait de 42,8%[1]. La France aurait ainsi une fiscalité très progressive tout en restant compétitive en Europe. On peut, pendant la période de consolidation budgétaire actuelle, introduire une tranche temporaire d’imposition de 45% au-delà de 150 000 euros par part imposable (soit 51,6% avec CSG).
Les impôts clés qui déterminent l’intensité de la concurrence fiscale au sein de l’Union européenne sont l’IPR, l’impôt sur les sociétés (IS), l’impôt sur l’épargne (prélèvement libératoire sur le revenu et impôt sur les plus-values) et l’impôt sur la fortune (ISF). Plus précisément, il apparaît que dix-huit des vingt-huit pays membres de l’Union européenne s’organisent pour réduire l’IS vers un taux de 15%-23%, le taux marginal de l’IPR à environ 30 %, avec une tranche exceptionnelle à 40% pour traverser la crise actuelle, et le taux d’imposition de l’épargne à 15-20 %. Les taux de TVA convergent vers un taux de 7% pour le taux réduit et de 23% pour le taux normal. L’ISF, sous forme d’un impôt général sur le patrimoine, n’existe qu’en France.
La France taxait déjà beaucoup plus les revenus et les patrimoines que ses voisins. Elle a alourdi massivement sa fiscalité en 2011-2013, d’environ 70 milliards d’euros alors que le déficit ne s’est réduit que de 10 milliards d’euros. La France doit donc rapidement mettre en œuvre une réforme fiscale majeure ayant deux objectifs : d’une part, réduire la fiscalité sur le travail, l’investissement et la prise de risques dans l’innovation et, d’autre part, aligner notre fiscalité sur les objectifs des autres membres de l’Union européenne pour les quatre impôts déterminant la localisation sur notre territoire des facteurs mobiles de production. Nous devons notamment basculer le financement d’une part des cotisations sociales vers la TVA (suppression de la cotisation de 5,4% sur les salaires). En se calant sur les taux européens et en introduisant un taux intermédiaire de 15% pour les activités à forte composante de main d’œuvre, on aurait une structure de taux de 7% (réservé à l’alimentation et à la pharmacie), 15% et 23%.
Cette réforme doit également permettre la généralisation de l’actionnariat salarial afin que l’ensemble des salariés profite de la reconstruction de notre appareil de production. Pour résister à la concurrence fiscale intra-européenne, il serait souhaitable de remplacer l’ISF par une surtaxe appliquée à l’impôt sur le revenu et frappant la dernière tranche de cet impôt.
L’impôt sur les bénéfices des sociétés devra s’aligner sur les taux européens (15% sur les bénéfices mis en réserve et 23% sur les bénéfices distribués). Les PME verraient donc le poids de l’IS baisser substantiellement tandis que les dispositions permettant aux grandes entreprises d’avoir un taux effectif réduit seraient abrogées.
Un prélèvement libératoire obligatoire (PLO) de 15 %, en sus de la CSG,  s’étend à tous les revenus de l’épargne (sauf pour le Livret A qui reste le principal instrument d’épargne des catégories modestes et qui n’est imposé qu’à la CSG, tout comme le plan d’épargne en actions (PEA) qui est maintenu). Afin d’encourager une épargne à très long terme (plus de quinze ans) qui serait principalement investie en actions, pour financer le développement de notre système productif, le PLO ne s’appliquerait pas aux revenus des comptes d’épargne bloqués pour une durée minimale de quinze ans.
Cette structure de fiscalité protège les ménages modestes : ils ne sont pas ou faiblement imposés sur le revenu, leur résidence principale n’est pas soumise à l’impôt sur les plus-values et leur épargne investie sur un livret A n’est pas soumise au PLO. Les revenus et plus-values du PEA ne sont soumis qu’à la CSG.

[1] Soit un revenu supérieur à 60 000 euros pris en base 100. Le taux marginal serait de 100 moins 12 de CSG-CRDS, soit 88 multiplié par 35 %, soit 30,8 %. Le taux d’impôt marginal total acquitté serait de 12 % de CSG-CRDS plus 30,8 % d’IPR, soit 42,8%

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